Affiche du DVD "Mon voisin Totoro"

Mon ami Totoro, l’IA ne te dessinera jamais comme un cœur qui bat

Affiche du DVD "Mon voisin Totoro"

Couverture du DVD du film « Mon voisin Totoro »

Chers rêveurs, créateurs et amoureux des forêts enchantées,

Imaginez un instant la brise caresse les feuilles géantes de l’arbre sacré, les susuwatari (ces petites suies espiègles) dansent dans un rayon de lumière, et Totoro, notre gardien des bois, sourit de son rire tonnerre. Ce tableau, vous le reconnaissez. Il porte un nom : l’âme de Ghibli. Une âme tissée de doigts tremblants, de pinceaux patiemment trempés, de larmes versées sur des storyboards, et de cette magie fragile que seul un humain peut insuffler à un dessin.

Mais aujourd’hui, on nous propose une version falsifiée de ce miracle

Des algorithmes dévorent des milliers d’images de Miyazaki, avalent « Le Voyage de Chihiro », digèrent « Princesse Mononoké », et recrachent des paysages pastiche, des personnages sans regards. « Regardez ! », dit-on, « c’est presque Ghibli ! ». Presque. Mais où est le souffle de vie ? Où est la main qui a tremblé en dessinant le premier cerisier en fleurs de « Si tu tends l’oreille » ? L’IA ne connaît ni la fatigue, ni le doute, ni cette joie folle de voir un personnage « naître » sous ses doigts. Elle ne sait pas ce que signifie « vivre ».

Pire encore cette imitation coûte à la terre ce que Ghibli chérit tant   

Pour entraîner ces machines à broyer l’art, on engloutit des fleuves d’électricité, on brûle des montagnes de données. Une étude le révèle: former une IA émet autant de CO₂ qu’un vol Paris-New York… 50 fois. Ironie cruelle ceux qui copient « Nausicaä » participent à la destruction des forêts qu’elle défend. Comment ne pas y voir un blasphème contre tout ce que Hayao Miyazaki, Isao Takahata et leurs équipes ont sacralisé ?

Et nos dirigeants, que font-ils ?

Certains dirigeants, au lieu de protéger les artistes, commandent des affiches de campagne en « style Ghibli » généré par IA. Ils troquent l’authenticité contre un vernis de poésie factice, espérant nous charmer avec des ombres sans substance. Mais Totoro n’est pas un logo. Il est le fruit d’une époque où l’on croyait encore que l’art devait « coûter » quelque chose : du temps, de l’âme, des choix courageux.

Du point de vue juridique, l’imitation du style Ghibli par l’IA soulève une question complexe, mais les experts s’accordent sur plusieurs points. Les juristes rappellent que le droit d’auteur protège les œuvres concrètes (comme un film ou un dessin précis), mais pas un « style » artistique en lui-même, aussi reconnaissable soit-il. Ainsi, une image générée par IA s’inspirant de l’univers de Ghibli, avec ses paysages verdoyants, ses créatures fantastiques ou ses ambiances poétiques, n’est pas considérée comme une contrefaçon, car elle ne reproduit pas une œuvre existante de manière identifiable.

Cependant, le vrai débat se niche ailleurs : dans l’entraînement des algorithmes. Pour imiter le style Ghibli, l’IA a nécessairement « appris » à partir d’une multitude d’images protégées, issues des films du studio. Or, si ces données ont été utilisées sans l’accord des ayants droit (artistes, studios, etc.), le modèle d’IA lui-même pourrait enfreindre le droit d’auteur, car il intègre une mémoire dérivée d’œuvres non libres de droits. En d’autres termes, ce n’est pas l’image finale qui pose un problème, mais la manière dont l’IA a été conçue.

Donc en vrai, la loi tolère l’inspiration stylistique, même par une machine, mais elle surveille le processus invisible : si le « cerveau » de l’IA a été nourri illégalement, c’est là que se situe la potentielle violation. Une nuance cruciale, à l’heure où les créateurs réclament plus de transparence sur les données utilisées pour façonner ces intelligences artificielles.

 

Miyazaki l’avait pressenti

En 2016, face à une animation générée par IA, il a murmuré : « C’est une insulte à la vie elle-même. ». Pour lui, l’art naît de la lutte entre nos rêves et nos mains maladroites, entre la mélancolie et l’espoir. Comment une machine comprendrait-elle la douceur d’un père écrivant des lettres à sa fille disparue (Le Château ambulant) ? Ou la rage de San, mordant le bras de l’homme qui souille la forêt (Princesse Mononoké) ?

Alors, que reste-t-il à faire ?

Réapprendre à aimer ce qui ne se duplique pas. Soutenir les artisans du sensible, ceux qui osent croire qu’un dessin peut changer le monde. Exiger des lois qui protègent non seulement les œuvres, mais « l’intention » derrière elles. Et surtout, rappeler aux puissants ceci :

Totoro n’appartient pas à un algorithme. Il appartient à l’enfant qui, hier encore, cherchait des esprits dans les buissons.

Imaginez, quand l’imagination est devenue un luxe …  

Un studio, quelque part au Japon. Une femme efface une ligne pour la 10ᵉ fois. Son café est froid. Mais quand son personnage sourit enfin, vraiment, elle pleure. Ces larmes, aucune IA ne les reproduira. Car l’art n’est pas dans la perfection. Il est dans ce qui nous échappe.

Et si nous faisions de ce combat notre « Chemin de la vie », comme dans « Si tu tends l’oreille » ?

« Ce que nous devons sauver, ce n’est pas la nature… C’est nous-mêmes. »

Hayao Miyazaki

0 réponses

Laisser un commentaire

Participez-vous à la discussion?
N'hésitez pas à contribuer!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *